
Le 10 octobre 2025, le 18e Colloque du Cancéropôle IDF a mis à l’honneur la thématique « Détection précoce des cancers ». Cette journée a également été l’occasion de récompenser, avec le soutien de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, trois jeunes chercheurs pour la qualité de leurs travaux, lors de l’édition 2025 des Prix du Cancéropôle IDF.
Cette journée s’est intéressée à la question de la détection précoce des cancers de manière prospective, au travers de la présentation de résultats de recherche fondamentale, translationnelle et interventionnelle, pour avoir un aperçu de ce qui fera la médecine de demain.
DÉTECTION PRÉCOCE : BIOLOGIE ET IMAGERIE DE DEMAIN
Détection précoce des cancers digestifs

Dans son intervention, Pierre Laurent-Puig, professeur des universités nous présente les avancées récentes dans la détection précoce des cancers digestifs qui reposent sur l’analyse de l’ADN tumoral circulant présent dans le sang. Cette approche, basée sur une simple prise de sang, vise à identifier des anomalies génétiques ou épigénétiques des tumeurs, même à des stades très précoces. La sensibilité des techniques est prometteuse mais des défis se posent en termes de coût et d’organisation. Les tests classiques, comme la recherche de sang dans les selles pour le cancer colorectal, restent actuellement la référence, mais ces nouvelles techniques pourraient améliorer l’adhésion au dépistage et aider le diagnostic des patients présentant des symptômes atypiques.
Pierre LAURENT-PUIG, U Paris Cité, AP-HP – diaporama
Place des marqueurs circulants non génomiques en détection précoce : exemple du cancer du poumon

Marine Fidelle, pharmacienne et chercheuse, présente ici ses travaux sur la prédiction et la prévention du cancer du poumon chez les fumeurs atteints de pathologies cardiovasculaires. Grâce à une approche multi-omique (protéomique, métabolomique, immunologie) et à des modèles de machine learning, son équipe et elle ont construit un score de risque permettant d’identifier les personnes les plus exposées. Les analyses ont révélé trois profils biologiques distincts et montré l’intérêt des mutations hématopoïétiques comme indicateurs précoces. L’objectif est de développer un test simple pour stratifier les patients et, à terme, des traitements personnalisés pour réduire ce risque. Une grande étude de validation est en cours pour confirmer ces résultats.
Marine FIDELLE, Gustave Roussy
DE NOTRE COMPRÉHENSION COLLECTIVE DE LA CARCINOGÉNÈSE AUX ASPECTS PSYCHO-SOCIAUX
Philosophie de la biologie : pour une approche organisationnelle du cancer

Claudia Gadaleta, doctorante en philosophie de la biologie, s’intéresse à la manière dont on comprend le cancer. Pendant longtemps, on a pensé que les mutations des cellules étaient la cause principale, mais elles ne suffisent pas à expliquer la maladie. Son travail explore une autre idée : le cancer pourrait aussi venir d’une désorganisation des tissus et des interactions entre cellules. Elle s’appuie sur des théories qui voient l’organisme comme un système structuré, où tout fonctionne ensemble. Des expériences montrent que changer l’environnement des cellules peut influencer leur comportement, et parfois même réduire leur agressivité. Claudia cherche à mieux définir ces approches organisationnelles et comment elles pourraient aider à développer de nouvelles stratégies pour prévenir ou traiter le cancer.
Claudia GADALETA, U Panthéon Sorbonne, IHPST – diaporama
«Poids mental» pour les personnes avec fort risque de cancer, aspects familiaux
Besoins d’accompagnement en oncogénétique : résultats d’une étude européenne

Anne Bredart, docteur en psychologie médicale, a présenté une étude sur les besoins d’accompagnement des femmes à risque de cancer du sein lié à des mutations génétiques (comme BRCA). Ces tests génétiques peuvent provoquer stress, colère et confusion, influençant ainsi les décisions médicales et les rélations familiales. L’étude a comparé la concordance de perception des patient.e.s et des cliniciens à propos des difficultés psychologiques rencontrées. La concordance n’est que partielle : les émotions visibles, comme la détresse ou la colère, sont assez bien repérées, mais d’autres facteurs passent inaperçus. Pour améliorer la prise en charge, l’étude propose des outils, comme des questionnaires avant la consultation, et des formations à la communication pour mieux répondre aux besoins psychologiques des patientes.
Anne BREDART, Institut Curie, U Paris Cité – diaporama
Regard de patientes

Deux ambassadrices de l’association Généticancer, Amélie B. et Clémentine R., ont partagé leur expérience après la découverte d’une mutation BRCA2 dans leur famille. L’association Généticancer, créée il y a 10 ans, informe, soutient les familles et propose des aides pratiques pour les femmes opérées. Les intervenantes racontent leur parcours effectué dans des centres différents : tests génétiques, annonces des résultats, décisions difficiles comme la mastectomie, et les impacts psychologiques. Elles soulignent l’importance d’un accompagnement psychologique obligatoire dès le début, car la première consultation est un choc avec beaucoup d’informations à intégrer. Leur témoignage montre combien le soutien des associations et des échanges entre patientes aide à traverser cette étape et à reprendre prise sur leur parcours, afin de faire ensuite les choix de vie ou d’intervention qui conviennent à chacune.
Amélie B., Clémentine R. Généticancer – diaporama
SESSION JEUNES CHERCHEURS
ET REMISE DES PRIX 2025 DU CANCEROPOLE IDF
Grâce au soutien de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, l’édition 2025 des prix du Cancéropôle a pris place lors de cette journée, permettant de récompenser 3 jeunes chercheurs franciliens (doctorants ou post-doctorants) pour la qualité de leurs travaux de recherche. Les 3 lauréats ont présenté leurs travaux lors d’un short talk, et se sont vu remettre chacun un prix d’une valeur de 1500€ :
- Marthe LAISNE, Institut Curie
Traquer l’origine du cancer, cellule par cellule – Comprendre et cibler la plasticité cellulaire pour intercepter l’initiation tumorale chez les patientes à haut risque - Grégoire GESSAIN, Gustave Roussy
Les macrophages géants multinucléés sont un biomarqueur de régression spontanée dans le carcinome épidermoïde des voies aérodigestives supérieures - Klaudia GALANT, CEA
Origines développementales de la leucémie mégacaryoblastique aigüe induite par la fusion ETO2::GLIS2 chez l’homme et rôle du microenvironnement cytokinique dans la leucémogenèse

ALLIER DÉTECTION PRÉCOCE, PRÉVENTION ET SOINS
Quels traitements mini invasifs en cas de détection précoce des cancers hépatiques primitifs et secondaires ?

Nicolas Golse, chirurgien hépato-biliaire, présente ici les options thérapeutiques mini-invasives pour traiter les cancers hépatiques détectés précocement. Pour le carcinome hépatocellulaire (CHC), la chirurgie reste la référence, mais des techniques moins invasives comme la radiofréquence détruire de petites tumeurs sans ouvrir l’abdomen. La cœlioscopie et la chirurgie robotisée offrent moins de complications et un meilleur confort que la chirurgie ouverte, tout en facilitant une éventuelle greffe ultérieure. Pour les cholangiocarcinomes intra-hépatique (CCK-IH), la chirurgie ouverte reste la norme, car une résection large est nécessaire. Enfin, pour les métastases, la chirurgie mini-invasive est utilisée pour les petites lésions, et les techniques ablatives comme la radiofréquence donnent des résultats prometteurs. En résumé : moins d’incisions, moins de risques, mais la qualité des marges, la taille des tumeurs et la complexité des cas dictent toujours le choix.
Nicolas GOLSE, AP-HP Paul Brousse – diaporama
Deep Learning for Tumor Detection and Segmentation: Advances and Challenges

Wenxiao Wu, doctorante à Gustave Roussy, a expliqué comment l’intelligence artificielle, et en particulier le deep learning, transforme la détection et la segmentation des tumeurs sur les images médicales. Ces modèles apprennent directement à partir des images, ce qui améliore la précision et la rapidité par rapport aux méthodes classiques. Cependant, leur utilisation en clinique reste limitée à cause de problèmes de fiabilité, de généralisation et d’intégration dans les workflows médicaux. Une nouvelle génération de modèles appelée modèles de fondation permettront de surmonter ces obstacles ? L’objectif n’est pas de remplacer les médecins, mais de créer des outils robustes, intégrés et interprétables qui les assistent efficacement.
Wenxia WU, Gustave Roussy – diaporama
Nutrition et risque de cancers : résultats récents de la cohorte NutriNet-Santé

Bernard Srour, pharmacien et épidémiologiste, présente ici les travaux de la cohorte NutriNet-Santé, qui suit depuis 2009 plus de 180 000 volontaires pour étudier les liens entre alimentation et cancer. Ses recherches montrent qu’il n’existe pas d’aliment « miracle » ni d’aliment « coupable », mais que l’ensemble du mode de vie joue un rôle. Certains augmentent le risque, comme la consommation élevée de viande rouge, de charcuterie, de boissons sucrées, d’aliments ultra-transformés ou contenant des additifs. À l’inverse, une alimentation riche en fibres, fruits, légumes et antioxydants est protectrice. Les travaux sur cette cohorte explorent en autre également l’impact des pesticides et des horaires des repas et des mélanges d’additifs. L’objectif est de mieux comprendre ces mécanismes pour orienter les recommandations et les politiques publiques, et promouvoir une alimentation plus saine et durable.
Bernard SROUR, CRESS-EREN, INRAE, Inserm, Réseau NACRe – diaporama
Dépistage du cancer du poumon par scanner faible dose : qu’attendre de l’IA ?

Marie-Pierre Revel, radiologue, présente les enjeux du dépistage du cancer du poumon et le rôle croissant de l’intelligence artificielle (IA). Ce cancer est la première cause de décès par cancer, car il est souvent découvert trop tard. Les études ont montré qu’un scanner à faible dose permet de détecter des tumeurs à un stade opérable et réduit la mortalité, surtout chez les femmes. L’Europe recommande désormais de lancer des programmes de dépistage ciblés pour les personnes à risque (fumeurs ou ex-fumeurs après 50 ans). L’IA pourrait jouer un rôle clé pour aider les radiologues à repérer les nodules, réduire les erreurs et permettre des doses encore plus faibles grâce à des reconstructions d’image avancées. L’IA ne remplace pas les médecins, mais elle sera indispensable pour rendre le dépistage efficace et accessible.
Marie-Pierre REVEL, AP-HP H. Cochin – diaporama
Combiner détection précoce et interception – modèles théoriques et pratiques

Suzette Delaloge, oncologue et chercheuse, a conclu la journée en insistant sur la nécessité de combiner détection précoce et prévention pour réduire le nombre de cancers et leurs conséquences. Elle rappelle que les inégalités d’accès aux dépistages restent un problème majeur et que les parcours de soin actuels sont souvent trop complexes. L’objectif est de créer des approches plus simples, personnalisées et intégrées, en s’appuyant sur les connaissances biologiques, technologiques et les outils numériques. Elle présente Interception, programme pilote innovant de prévention personnalisée pour les personnes à haut risque de cancer. Ce programme s’appuie sur un parcours de soins numérique ville/hôpital pour identifier les personnes à risque, les informer, personnaliser leur suivi et garantir une prise en charge rapide en cas de suspicion. Le but est de prouver scientifiquement les bénéfices et renforcer la recherche en prévention. Elle appelle ainsi à une organisation en santé publique et à une recherche participative pour que la prévention devienne efficace, accessible et durable.
Suzette DELALOGE, Gustave Roussy – diaporama
