Le 14 janvier 2016, un colloque rassemblant les responsables des grandes plateformes technologiques franciliennes oeuvrant dans le domaine du cancer et leurs usagers a été organisé par le groupe de travail Plateformes du Cancéropôle Île-de-France pour discuter des apports et besoins en terme de structuration. La journée a rassemblé près de 150 personnes et plus de 20 posters.
Comment sont utilisées les plateformes technologiques franciliennes par les chercheurs dans le domaine du cancer ? Quelles avancées les travaux qui y sont menés ont-ils permis ? Cette journée a permis de rendre compte du panorama des plateformes technologiques franciliennes au travers de projets de recherche qui y ont été menés, mais également aux plateformes technologiques franciliennes de se présenter et à leurs responsables d’échanger avec les chercheurs et industriels travaillant dans le domaine du cancer. Une session poster a également permis, tout au long de la journée, des échanges avec les responsables des plateformes identifiées.
Les travaux présentés ont concerné :
- la génomique
- la protéomique
- la bioinformatique
- l’imagerie
- l’immunologie
- les modèles précliniques
INTRODUCTION
Co-responsable du groupe de travail “Plateformes” avec Sergio Roman-Roman, Jessica Zucman-Rossi rappelle les objectifs de la journée qui sont de faire un bilan des activités des différentes plateformes relevantes du Cancéropôle IDF, c’est à dire qui ont une activité en recherche en cancérologie. Le groupe de travail a effectué un recensement de ces plateformes pour construire le programme de la journée qui va permettre un échange scientifique sur des projets innovants et à la pointe de la recherche qui n’auraient pu être menés à bien sans l’appui des plateformes franciliennes. Un second objectif est, lors des tables rondes, de définir les besoins des plateformes franciliennes oeuvrant pour la recherche sur le cancer.
Jessica ZUCMAN-ROSSI, INSERM, Co-pilote du groupe de travail Plateformes
AXES GÉNOMIQUE, PROTÉOMIQUE, BIOINFORMATIQUE
Evolution clonale des tumeurs hématologiques
Nathalie Droin travaille sur la leucémie myélomonocytaire chronique, qui peut évoluer en leucémie aiguë. Ses recherches visent à identifier les mutations au niveau d’un clone cellulaire, pour cette pathologie qui est à dominance clonale. Elle s’est appuyée pour cela sur la plateforme de génomique de Gustave Roussy, qui permet des études de type microarray, séquençage classique et NGS, pour faire des analyses à l’échelle d’une cellule.
Nathalie DROIN, Gustave Roussy – diaporama
Isocitrate déshydrogénase et métabolisme dans les leucémies aiguës myéloïdes
La leucémie aigüe myéloïde présente, comme d’autres types de cancers, des reprogrammations métaboliques et énergétiques. L’équipe de Jean-Emmanuel Sarry a notamment travaillé sur la plateforme de métabolomique du CEA Saclay, afin d’étudier l’impact d’une mutation de l’enzyme Isocytrate désydrogénase 1 sur le métabolisme des cellules tumorales. Les résultats montrent une redirection du flux métabolique pour soutenir la voie de production de l’hydroxyglutarate, cela ayant pour conséquence une dépendance métabolique et des changements redox qui pourraient être ciblés pour augmenter l’effet des chimiothérapies chez les patients.
Jean-Emmanuel Sarry, Centre de Recherche en Cancérologie de Toulouse – diaporama
Analyse de conformation de la chromatine et application au cancer
Nicolas Servant travaille sur la plateforme de bio-informatique de l’Institut Curie. Il présente un développement bio-informatique mis en place pour répondre à une question sur la conformation de la chromatine, étudiée par l’équipe d’Edith Heard, qui permet de générer des cartes d’interactions normalisées qui peuvent être exploitées par les chercheurs, à partir des données brutes sorties du séquenceur. La plateforme a développé un pipeline de manière à pouvoir le réutiliser sur différents projets de recherche.
Nicolas Servant, Institut Curie – diaporama
AXE IMAGERIE, IMMUNOLOGIE, MODÈLES PRÉCLINIQUES
Observation dynamique et à haute résolution de la cascade métastatique
Jacky Goetz présente 3 procédures développée avec la plateforme de microscopie électronique à l’EMBL à Heidelberg, qui ont pour objectif de combiner différentes technologies d’imagerie pour apporter plus de résolution à des événements visualisés in vivo via des approches de microscopie intravitale. Cela permet par exemple d’étudier un événement biologique, et traquer des événements biologiques rares tels que l’extravasation et l’intravasation des cellules tumorales circulantes.
Jacky Goetz – INSERM, Strasbourg
Diversité des voies de sécrétion et applications thérapeutiques
Gaëlle Boncompain est chercheuse à l’Institut Curie et parle de la diversité des voies de sécrétions et comment elles peuvent être ciblées dans le cadre de certaines maladies. L’objectif de son équipe est de comprendre comment une même cellule peut prendre en charge le transport de cargo divers, impliqués dans des fonctions diverses. Le système rush mis au point a pour objectif de synchroniser le trafic intracellulaire, qui peut être utilisé en conditions physiologiques pour les cellules. Ce travail a été réalisé en collaboration avec les plateformes de criblage, d’imagerie et de bio-informatique de l’Institut Curie.
Gaëlle Boncompain, CNRS, Institut Curie
Cycle de vie des images en microscopie : de l’acquisition au partage des données
Perrine Paul-Gilloteaux décrit les besoins d’une plateforme d’imagerie concernant la gestion des données : acquisition, analyse, partage et réutilisation, en se basant sur l’expérience de la plateforme Pict de l’Institut Curie. On se trouve aujourd’hui, en imagerie, dans un contexte d’hétérogénéité des données et d’hétérogénéité des problèmes et des questions données. Deux grands schémas sont possibles : avoir un seul serveur qui regroupe l’ensemble des données, ou des instances locales mais interopérables ? Un choix sur les données à conserver à long terme doit également être fait.
Perrine Paul-Gilloteaux, Institut Curie, Université de Nantes – diaporama
Une option thérapeutique prometteuse pour le cancer du foie présentant des mutations de la beta-caténine : inhiber miR-34a
Angélique Gougelet présente l’un des travaux de son équipe qui concerne le rôle de miR-34a dans le cancer du foie. Le modèle créé par l’équipe consiste à invalider APC qui est le frein majeur de la voie béta caténine : ce modèle est hépatospécifique et inductible par le tamoxifène, qui mime la pathologie humaine. Pour ce travail, elle s’est appuyée sur la plateforme d’imagerie in vivo de l’Institut Cochin, qui permet de faire de l’IRM, du micro PET Scan, de la bioluminescence et de l’échographie.
Angélique Gougelet, Institut Cochin – diaporama
Activité préclinique de l’inhibiteur de MDM2 RG7112 dans les glioblastomes MDM2 amplifiés et TP53 normal
Maïté Verreault présente une partie des travaux réalisés par l’équipe GlioTex à l’Institut du Cerveau et de la Moëlle épinière, qui montrent une activité préclinique d’un inhibiteur de MDM2 dans les modèles précliniques de glioblastomes MDM2 amplifiés et TP53 normal. Ces travaux se sont appuyés sur les plateformes technologiques de bioinformatique et degénotypage et séquençage de l’ICM , ainsi que le Centre d’Expérimentations fonctionnelles de l’UPMC (Pitié Salpêtrière).
Maïté Verreault, Institut du Cerveau et de la Moëlle épinière, UPMC – diaporama
CONCLUSION
Deux tables rondes faisant intervenir les responsables de grandes plateformes franciliennes ont permis d’évaluer, au regard des interventions de la journée, les besoins dans les différentes discipline ainsi que les prochains grands enjeux que les plateformes franciliennes dans le domaine du cancer vont rencontrer ces prochaines années. Lors de la conclusion, Jessica Zucman-Rossi en fait la synthèse.
- Répertoire des plateformes en Île-de-France : cette journée a été très illustrative de la richesse technologique des plateformes franciliennes. Un prochain objectif sera de réaliser un annuaire des plateformes franciliennes. Si les demandes sont très élevées pour certaines plateformes, avec de forte connection au réseau de plateformes européennes, cela pourra permettre d’améliorer la visibilité de plateformes émergentes et d’avoir une vision d’ensemble de l’offre en Île-de-France.
- Points limitants pour les plateformes existantes : Tout au long des échanges, un sujet a semblé revenir comme étant un enjeu majeur, aussi bien pour les plateformes de bio-informatique que de d’imagerie et d’immunologie : il s’agit de l’intégration des données entre différentes plateformes, du transfert des données, incluant des problématiques telles que donner l’accès à des méthodes d’analyse les plus performantes possibles, des problèmes de stockage et de flux. Cela passe d’une part par la mise en place d’infrastructures et l’achat de matériel, mais aussi par le financement de personnels pérennes pour répondre à des besoins récurrents et permanents.
Il semble par ailleurs très pertinent d’organiser un forum pour discuter de la thématique du partage de données, se mettre d’accord sur des standards, etc… et coordonner la manière dont les différents sites travaillent. Pour répondre à cette problématique, le Cancéropôle IDF, via son groupe “Intégration de données”, a mis en place un projet commun de type preuve de concept d’intégration des données cliniques et biologiques à partir de programmes de recherche existants, en particulier des trois SIRIC très impliqués dans la recherche translationnelle. Une journée de séminaire sur le sujet permettra de discuter de toutes ces questions, le 18 octobre 2017. - Les investissements en nouvelles technologies : dans chacun des domaines il y a beaucoup de choses dans lesquelles il serait intéressant d’investir, à hiérarchiser pour upgrader les plateformes existantes. Des priorités ont été établies et ont fait l’objet en 2016-2017 d’un financement par le Cancéropôle IDF dans le cadre du 3e plan cancer, notamment dans les domaines suivants :
- en imagerie, financement de technologies de support devenues essentielles : imprimantes 3D pour permettre la microfluidique, et technologies numériques pour permettre le traitement et la gestion de grandes quantité de données
- en protéomique, du matériel permettant des analyses de protéines entières par spectrométrie de masse et la préparation de nanocolonnes d’HPLC
- en génomique des systèmes de générations de banques qui permettront des approches single-cell, et de qualification haute sensibilité et haut débit des acides nucléiques
- concernant les modèles expérimentaux, des logiciels permettant un meilleur suivi des études in vivo : traçabilité, vérification du strict suivi des réglementations
- technologies innovantes ultrasensibles pour les plateformes d’immunologie : scanner, détection des protéines ou cytokines avec une haute sensibilité, immunohistochimie