Le 4 octobre 2024, le 17e Colloque du Cancéropôle IDF a mis à l’honneur la thématique « Vieillissement et cancers : de la recherche fondamentale à la recherche translationnelle et applications cliniques pour l’avenir ». Cette journée a également été l’occasion de récompenser, avec le soutien de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, trois jeunes chercheurs pour la qualité de leurs travaux, lors de l’édition 2024 des Prix du Cancéropôle IDF.
L’objectif de la journée a été de réunir, sur une même journée, chercheurs fondamentaux, oncologues, gériatres, épidémiologistes et sociologues de manière à susciter des échanges entre ces différentes manières d’aborder la question du vieillissement en cancérologie.
I. ASPECTS FONDAMENTAUX
On the mechanism of metformin
Raphaël Rodriguez est directeur de recherche au CNRS et chercheur à l’Institut Curie où il dirige l’équipe Chemical Biology. Son laboratoire travaille sur la plasticité cellulaire, c’est à dire la capacité des cellules à pouvoir changer de phénotype sans altération génétique. Sont importants pour cela certains facteurs de transcription, des régulateurs épigénétiques, mais également deux métaux, le cuivre et le fer. Dans le cancer, les métaux sont impliqués dans la transition des cellules cancéreuses entre deux états : l’état prolifératif et l’état invasif (métastases), ainsi que dans l’inflammation.
Raphaël RODRIGUEZ, Institut Curie – diaporama
Vieillissement des cellules souches hématopoïétiques et hémopathies myéloïdes
Estelle Duprez est chercheuse au centre de recherche en cancérologie de Marseille, et étudie les mécanismes de l’hématopoïèse en s’appuyant des techniques de biologie moléculaire. Lors du vieillissement, on observe un changement de composition des cellules hématopoïétiques, qui a pour conséquences un déclin de l’immunocompétence, une augmentation de maladies auto-immunes et d’hémopathies myéloïdes. Ce vieillissement du système hématopoïétique s’explique par un changement du potentiel clonal des cellules souches, qui crée un biais en faveur des cellules myéloïdes. Quels sont les régulateurs qui dirigent la différentiation vers une voie ou une autre ? Quelle est l’hétérogénéité du pool de cellules souches ? Quels sont les mécanismes à la base du vieillissement du système hématopoïétique ?
Estelle DUPREZ, CRCM, CNRS, Université d’Aix-Marseille – diaporama
SESSION JEUNES CHERCHEURS
ET REMISE DES PRIX 2024 DU CANCEROPOLE IDF
Grâce au soutien de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, l’édition 2024 des prix du Cancéropôle a pris place lors de cette journée, permettant de récompenser 3 jeunes chercheurs franciliens (doctorants ou post-doctorants) pour la qualité de leurs travaux de recherche. Les 3 lauréats ont présenté leurs travaux lors d’un short talk, et se sont vu remettre chacun un prix d’une valeur de 1500€ :
- Alice BOILEVE, Université Paris Saclay, Gustave Roussy
Les organoïdes, des outils pour la médecine de précision fonctionnelle dans le cancer du pancréas - Marion GUERIN, Institut Pasteur
L’anti-PD1 agit dans les ganglions lymphatiques drainant la tumeur par un double mécanisme - Léa MONTEGUT, Centre de Recherche des Cordeliers
ACBP : un biomarqueur et inhibiteur de l’immunosurveillance en oncologie
ASPECTS CLINIQUES ET TRANSLATIONNELS
Fragilité : de la clinique à la géroscience
La médecine centrée sur les maladies a permis d’obtenir une augmentation de l’espérance de vie de 20 ans, mais les années gagnées sont pour moitié des années avec une mauvaise qualité de vie, avec incapacité. Pour Yves Rolland, gériatre au CHU de Toulouse, il est nécessaire de re-réfléchir la manière de traiter les personnes âgées, en intervenant plus précocement pour infléchir les trajectoires de déclin fonctionnel pour maintenir les aptitudes fonctionnelles qui favorisent le bien-être de la personne. L’OMS recommande pour cela de suivre la capacité intrinsèque d’un individu, c’est à dire ses capacités de mobilité, mémoire, vitalité, psychologiques et sensorielles. Yves Rolland aborde également lors de sa présentation l’évaluation de la résilience au travers de l’expérience de l’IHU HealthAge et des cohortes suivies.
Yves ROLLAND, IHU HealthAge, CHU Toulouse – diaporama
Quoi de neuf en oncogériatrie ?
Philippe Caillet est gériatre à l’AP-HP et présente lors de cette journée un « quoi de neuf ? » en concogériatrie. Beaucoup d’études concernent les patients âgés atteints de cancer, Philippe Caillet se focalise aujourd’hui sur des articles concernant l’évaluation gériatrique pré-thérapeutique et son impact sur la prise en charge globale des patients, concernant la toxicité des traitements, et concernant également l’utilisation d’un outil connecté pour la collecte des données. Lors de sa revue de littérature, il s’attache à identifier ce que l’on peut tirer comme questionnement pour améliorer les manières de faire en recherche, par exemple comprendre pourquoi les résultats de certaines interventions sont négatives.
Philippe CAILLET, AP-HP HEGP, Corentin Celton – diaporama
Pourquoi une recherche spécifique et internationale
La plupart des essais cliniques notamment à promotion industrielle ne considère toujours pas la population de plus de 65 ans, alors que le besoin a été identifié il y a 20 ans. Il y a par ailleurs une sélection qui est faite des patients âgés inclus qui crée une représentation erronée de la réalité et un important biais d’interprétation. Etienne Brain est oncologue médical à l’Institut Curie et travaille de longue date à favoriser la recherche clinique en oncogériatrie en France. Ce type de recherche spécifique est indispensable, et nécessiterait d’être mises en œuvre à l’échelle internationale. Il faut adresser la multicomplexité des sujets âgés, et prendre en compte les contextes de résidence des sujets âgés (domicile, résidence, …), les effets secondaires, les soins de support et palliatifs, et le rôle des aidants.
Etienne BRAIN, Institut Curie – diaporama
Bilan français de l’interaction gériatres / oncologues en recherche clinique
En 2000, il a été constaté que la prise en charge des patients âgés était suboptimale, avec un sous-diagnostic de la maladie cancéreuse, un défaut de traitement et peu de données scientifiques validant les traitement, mais aussi un défaut de formation et d’information des professionnels. Le déploiement des 28 unités de coordination en oncogériatrie (UCOGs) a permis un rapprochement entre oncologues et gériatres, pour mener des actions de soin, de formation, et de recherche. Elena Paillaud revient sur les différentes réalisations nées de ces interactions, notamment : création d’outils et notamment de l’outil G8 d’évaluation de la fragilité adapté aux populations atteints de cancer, mise en place de cohorte en vraie vie grâce aux épidémiologistes qui permettent de valider des questions scientifiques, favoriser les essais thérapeutiques spécifiques au sujet âgé.
Elena PAILLAUD LAURENT-PUIG, AP-HP HEGP – diaporama
Le problème de la sous-inclusion des sujets âgés dans les essais cliniques : apports d’une approche pluridisciplinaire en santé publique et en sociologie
L’âge de la vieillesse est une barrière doublement mobile : parce que cette barrière a bougé en fonction de l’histoire, et parce que le regard sur cette population a changé avec le temps. L’âge est le produit de processus sociaux qui vont définir ce que l’on reconnaît comme étant l’âge. Meoïn Hagege est sociologue de la santé de l’équipe de recherche du service santé publique d’Henri Mondor. Elle aborde la question de la sous-inclusion des sujets âgés dans les essais cliniques sous l’angle de la sociologie, en collaboration pluridisciplinaire avec la santé publique. Elle présente ici une série d’études sur l’âge dans la recherche clinique dans la recherche clinique et du soin, puis fait une focale sur les enjeux de l’âge sur la participation des malades du point de vue de la participation des malades et du point de vue des professionnels.
Meoïn HAGEGE, CEPiA, UPEC, Inserm – diaporama
Apport des données de vie réelle pour la recherche clinique en oncogériatrie
Depuis 5 ans on observe une explosion du nombre de recherches utilisant des données de vie réelle (Real World Data) et une preuve basée sur la vie réelle (Real World Evidence). Depuis 2018, ces RWD sont utilisées par les agences de régulations pour améliorer leurs prises de décisions : il s’agit de données issues d’entrepôts de données de santé, de données médicales du type remboursmeent, de registres de traitements ou de maladie, de données biologiques ou de données technologiques (objets connectés). Florence Canoui-Poitrine est épidémiologiste à l’AP-HP, Hôpital Henri Mondor. Elle montre ici que ce type de recherches sont en réalité mises en œuvre depuis bien plus longtemps par des épidémiologistes. C’est le cas notamment en oncogériatrie, où les patients âgés ne sont pas inclus dans des essais thérapeutiques et pour lesquels des essais pragmatiques ont du être mis en place par les oncologues s’intéressant à ces patients.
Florence CANOUI POITRINE, CEPiA, AP-HP Henri Mondor, UPEC – diaporama