Séminaires scientifiques

Dans le cadre de sa mission d’animation du réseau francilien de recherche en cancérologie, le Cancéropôle Île-de-France propose toute l’année des séminaires scientifiques à destination des chercheurs et cliniciens, des communications à destination du grand public, ou des manifestations administratives qui sont l’occasion d’échanger autour de thématiques ayant trait à l’administration de la recherche en cancérologie.

Nous relayons également au sein de l’agenda des colloques et séminaires toutes les manifestations scientifiques susceptibles d’intéresser les acteurs de la recherche en cancérologie, et proposons depuis 2011 des séminaires en lignes, replay des enregistrements de nos manifestations.

Méthodes Qualitatives : Le nouvel incontournable de la recherche en Santé

📅 22/11/2024

OBJECTIFS :

Les journées méthodologiques en SHS ont pour objectif d’accompagner les chercheurs issus de différentes disciplines et travaillant dans le champ du cancer, pour leur donner des pistes pratiques pour la mise en place de projets pluridisciplinaires impliquant des sciences humaines et sociales. Lors de ces journées thématiques, des chercheurs franciliens sont invités à partager leurs retours d’expérience, en faisant un pas de côté et en présentant non pas leurs résultats mais les méthodes utilisées. En laissant une large part aux échanges lors de ces journées pour confronter les réflexions, le groupe Pluridisciplinarité et méthodes en SHS espère identifier des freins, leviers et bonnes pratiques. Ce séminaire en ligne a pour objectif de mettre ces connaissances à disposition du plus grand nombre pour aider les chercheurs à construire un projet, structurer leurs recherches, créer des publications, s’approprier les méthodologies de la recherche quantitative psycho-sociale, et/ou pluridisciplinaires.

Coordination :

Groupe de travail Pluridisciplinarité et méthodes en SHS

Aujourd’hui, qu’il s’agisse des chercheurs, des médecins, ou des réponses formulées dans le cadre d’appels à projets, les méthodes qualitatives sont devenues incontournables pour la recherche en santé. En quoi et pour quoi le « quali » est-il incontournable ? Quelle peut en être la traduction pour les chercheurs de différentes disciplines ? Comment la recherche qualitative est-elle mise en œuvre dans le cadre d’une recherche pluridisciplinaire ? Comment établir les ponts, les similitudes et les différences entre les différentes méthodes à disposition, et sur quels critères faire son choix ? Quels défis nous attentent ?
Le 22 novembre 2024, le groupe Pluridisciplinarité et Méthodes en SHS du Cancéropôle IDF, a exploré ces questions lors de la journée de séminaire « Méthodes qualitatives : le nouvel incontournable de la recherche en santé ». 

Introduction

Diane Boinon et Sylvie Dobeault, co-coordinatrices du groupe plurisciplinaires sur les méthodes en SHS ouvrent la journée de séminaire.

Diane Boinon rappelle que l’objectif de ces séminaires méthodologiques annuels est de proposer une espace de rencontre et de dialogue autour des questionnements sur les bonnes pratiques en SHS. Quelles sont les difficultés rencontrées dans la recherche SHS en oncologie et comment les surmonter ?

Hélène Bretin, Université d’Amiens

Dans sa présentation d’ouverture, Hélène Bretin, sociologue et professeur des Universités, montre l’importance des analyses qualitatives dans la recherche. Après un rappel sur les méthodes qualitatives existantes et les outils à disposition, elle aborde les apports de ces analyses et notamment le fait qu’elles nous servent à expliquer en profondeur une partie circonscrite d’une question. Les analyses qualitatives n’ont pas de prétention à l’exhaustivité mais permettent la non exclusion.
Ces analyses, devenues indispensables, permettent de tendre des miroirs sur les enjeux scientifiques, politiques et professionnels de notre société.

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En quoi et pourquoi le quali est incontournable ?

Lors de la première partie de la journée, les intervenants présentent des exemples de recherche pour lesquelles l’approche qualitative s’est avérée être indispensable.

Jean-Christophe Mino, Institut Curie
Céline Lefeve, Université Paris Cité

Dans l’étude présentée, Jean-Christophe Mino, médecin, spécialiste de santé publique et chercheur HDR, et Céline Lefeve, Professeure des universités en philosophie, ont cherché à comprendre les conséquences de la maladie pour des patientes ayant été traitées pour un cancer du sein en se focalisant sur l’après-traitement. Comment étudier et caractériser cette période où la maladie n’est plus là alors que la patiente a subi un traitement lourd ?
L’après-traitement est ici questionné comme une expérience subjective, individuelle et spécifique relevant d’une approche globale et qualitative en s’appuyant sur la philosophie de la normativité de Georges Canguilhem.

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Léonor Fasse &
Marie Locatelli,
Gustave Roussy

Léonor Fasse, maîtresse de conférence et psychologue clinicienne, accompagnée de Marie Locatelli, doctorante en psychologie, nous présentent ici une étude sur l’aspect psychologique autour de la SPC.
La SPC est une procédure médicale très encadrée utilisée en oncologie pour laquelle il n’existe pas de données empiriques.
Comment vont les proches ? Comment vont les soignants ? Comment évolue ce vécu ? Quels sont les processus de deuil engagés ? Quels sont les facteurs présents très précocement associés à ce vécu ?
Telles sont les questions qui sont posées dans cette étude.
L’analyse est une approche mixte longitudinale avec questionnaire et entretien en 3 temps. Nous pouvons voir ici la complexité et les exigences d’un design convergeant en recherche mixte pour comprendre l’expérience subjective et montrer que la subjectivité peut être synonyme de rigueur.

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Diane Boinon &
Adeline Duflot Boukobza
Gustave Roussy

Comment les infirmier.ère.s dépistent ils/elles le risque suicidaire chez les patients en oncologie ? C’est pour interroger cette pratique de soin qu’Adeline Duflot Boukobza, infirmière en pratique avancée, et Diane Boinon, psychologue clinicienne et docteur en psychologie, mettent en place une approche qualitative basée sur la méthode du focus groupe. Les objectifs de cette étude sont dans un premier temps d’explorer les leviers et les freins autour de cette problématique complexe et dans un second temps d’évaluer le besoin de formation chez les infirmier·ère·s.

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Discutante : Isabelle Aujoulat, UC Louvain

L’ensemble des présentations de la matinée a soulevé bon nombre d’éléments incontournables pour une bonne recherche qualitative en santé tels que la rigueur, la discipline, l’intuition, la créativité, l’engagement, l’analyse des phénomènes complexes, la documentation minutieuse des processus, la réflexivité autour des choix posés, la tolérance à l’incertitude, la vulnérabilité des chercheurs et la nécessité de transférabilité.
Après une synthèse extrêmement complète des interventions, Isabelle Aujoulat, professeure en sciences de la santé publique, pose un ensemble de questions aux intervenants pour enrichir les réflexions autour des méthodes qualitatives. Comment travaille-t-on ensemble quand on vient de disciplines différentes ? Comment gère-t-on le côté émotionnel parfois difficile ? Comment aborde-t-on la nécessité d’un cadre théorique ? Quel est l’effet de ces études sur les participants à la recherche ? Qu’en est-il de l’engagement des patients experts / partenaires ?

Comment se comprendre entre les différentes méthodes, identifier les risques et relever les défis ?

Pour la seconde partie de la journée, les présentations ont eu pour but de mieux comprendre la diversité de la mise en œuvre des approches qualitatives par les chercheurs dans un contexte d’interdisciplinarité.

Anne Bredart, Institut Curie

L’amélioration et la préservation de la qualité de vie (QdV) est l’un des trois piliers de la Mission Européenne sur le Cancer. Dans ce cadre l’outil EUonQoL-kit est en cours de déploiement pour évaluer de façon régulière la qualité de vie des patients en oncologie et définir des politiques de soins au niveau européen. Anne Bredart, docteur en psychologie médicale, nous présente ici le contexte et les objectifs, ainsi que la méthodologie pour mettre en place ce questionnaire. Après avoir identifié les aspects de QdV à évaluer et avoir formulé les questions en homogénéisant au mieux les différences entre pays, le questionnaire a été soumis dans des centres tests. Le travail d’analyse a permis de définir les items sélectionnés pour la version finale. Les méthodes qualitatives utilisées ici se basent sur la théorisation ancrée et l’analyse de contenu thématique sur des données agrégées.

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Hélène Beaussier, Hôpital St Joseph
Manon Fontaine, Hôpital St Louis

Dans le cadre de l’étude de cohorte prospective DETECTOR visant à évaluer l’intérêt d’un couplage de tomodensitométrie à faible dose et la recherche de cellules tumorales circulantes dans le dépistage des cancers liés au tabac, un volet qualitatif cherche à évaluer les mécanismes psychologiques sous-jacents aux réponses et les réactions au dépistage. La méthodologie utilisée se base sur de la théorisation ancrée et des entretiens ouverts avec une approche compréhensive plutôt que descriptive. Cette étude permet de mettre en évidence la confrontation des sujets à la précarité.
Manon Fontaine, psychologue, et Hélène Beaussier, cheffe de département de recherche clinique, nous montrent ici les enjeux des études qualitatives en recherche clinique et la nécessité d’avoir des experts en méthodologie adaptée car l’analyse des données est longue et moins standardisée que pour les études quantitatives.

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KEYNOTE

Bruno Falissard, CESP

Les qualitativistes sont confrontés à un enjeux de légitimité scientifique dans un monde où les quantitativistes sont en position dominante. Afin de rassurer sur ces méthodes, il est important de montrer les similitudes plutôt que de pointer les différences.
En effet le déroulement des analyses suit les mêmes étapes en commençant par le choix de l’échantillonnage et la collecte des données qui doivent permettre de répondre à la question posée. Suivent ensuite le choix des méthodes à utiliser, puis l’analyse des résultats et leur interprétation.
Dans son discours, Bruno Falissard, mathématicien et psychiatre, discute les parallèles entre quantitatif et qualitatif en rappelant que l’important pour faire une bonne recherche reste la rigueur.